Jugements et Arrêts
Les décisions de justice, à quelque degré qu'elles soient rendues et de quelques juges qu'elles émanent, sont essentiellement des actes publics qui, par cela même, ne sont pas susceptibles de devenir l'objet d'un droit privatif. L'impression et la publication de ces documents sont donc absolument libres, sous réserve, bien entendu, qu'une partie pourrait en faire au détriment d'une autre dans un but de vexation. En ce qui concerne les décisions de justice, les dispositions sur la propriété littéraire sont sans application possible [Tribunal de la Seine, 7 mai 1896, La Loi, Pataille, 98.44].
Notices et sommaires d'arrêts
Les matières ou sommaires qui accompagnent, dans les recueils, les décisions de jurisprudence, exigent un travail de l'esprit, qui donne naissance à une oeuvre originale et personnelle, créant au profit de l'auteur un droit de propriété; il a droit à la protection, quoique les changements qu'il a apportés à la notice ou au sommaire faits par un autre consistent simplement dans l'addition, la substitution ou la transposition d'un petit nombre de mots; toutefois, les notices des jugements ou arrêts ne constituent pas des écrits susceptibles d'un droit privatif, lorsqu'elles sont la reproduction des termes de la loi ou des décisions judiciaires ou qu'elles ne comportent pas deux formules différentes. Les emprunts que fait une personne à des notices ou des sommaires de jugements et arrêts rédigés par un tiers ne sauraient constituer à la charge de cette personne une contrefaçon si, par rapport à l'étendue du recueil où ils ont été faits et de celui dans lequel ils ont été insérés, ils apparaissent de minime importance [Paris, 5 août 1884, Fuzier-Hermann, Pataille, 84.304].
Lois et règlements
M. Renouard pose cette règle que les ouvrages qui, par leur destination, n'existent que pour un service public n'appartiennent pas au domaine privé. Cette règle est sage et juste. concevrait-on, par exemple, que les lois, décrets, règlements, instructions ou circulaires, que tous les actes en un mot qui émanent d'une autorité quelconque, pussent faire l'objet d'une appropriation ?
Avant 1789, la publication des édits et ordonnances faisait l'objet de privilèges. L'abolition de ce monopole fut donc comprise dans la destruction générale des privilèges jusqu'à ce qu'un décret du 6 juillet 1810, sévèrement apprécié par Isambert [Recueil des lois et ordonnances , 1814, La notice ], vint tout à coup le rétablir. M. Renouard s'attache à démontrer que ce décret a été implicitement abrogé par les constitutions des divers gouvernements qui se sont succédé en France depuis l'empire, et il combat l'opinion contraire, exprimée par MM. Pic [Code des Imprimeurs No3], Parant [Lois de la Presse, 1834], et Dupin [Traité concernant les lois, page XXXIX]. Il nous suffira de faire remarquer qu'abrogé ou non, ce décret est, dans tous les cas, tombé en désuétude et depuis longtemps a cessé d'être appliqué. MM. Lyon-Caen et Delalain font du reste remarquer avec raison que si l'on n'admet pas l'abrogation tacite, il faut au moins reconnaître que l'article 68 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, en abrogeant les lois, décrets, ordonnances relatifs à l'imprimerie et à la librairie, a certainement abrogé le décret du 6 juillet 1810.
Lois et règlements: jurisprudence
Il a été jugé:
1° que tout document inséré au Bulletin des lois entre incontestablement dans le domaine public et appartient dès lors à tous [Paris, 1er avril 1867, Lebigre-Duquesne, Pataille, 67-109 - voir aussi: Paris, 4 juillet 1863, Dumaine, Pataille, 64.295].
2° que si une ville peut, comme un particulier, avoir sur un ouvrage, composé à ses frais, par ses soins et sous sa direction, le droit reconnu par la loi de 1793, dont les termes sont généraux, il ne s'ensuit pas que toute publication, émanée d'une administration municipale, donne nécessairement lieu à ce droit: spécialement, des documents dressés dans un but purement administratif, en vue de faciliter certaines opérations municipales (dans l'espèce, la série des prix de règlements de la ville de Paris), constituent non un acte d'auteur mais un acte d'administration, et en conséquence, ne rentrent pas dans la catégorie des oeuvres protégées par la loi de 1793 [Paris, 13 février 1877, Chaix, Pataille 77.76 - voir aussi Rej. 15 mai 1878, même affaire, Pataille 80.170].
Publication de la loi accompagnée de notes
Il est à peine besoin de dire que celui qui, au texte de la loi, propriété de tous, ajoute, pour le mieux faire comprendre, des notes, des instructions particulières, des formules, reste propriétaire de ce qui est son oeuvre. On rentre alors dans le cas, déjà examiné par nous, des annotations et commentaires.
Publication de la loi accompagnée de notes: jurisprudence
Il a été jugé en ce sens:
1° que l'éditeur qui, publiant une circulaire officielle [Instruction adressée par le Parquet aux juges de paix], la fait suivre de notes et formules spéciales, qu'il imprime au bas des pages, acquiert un droit de propriété qui lui permet d'interdire à autrui la reproduction des mêmes notes et formules [Paris, 9 novembre 1831, Foulan, Dalloz "propriété littéraire" No 94].
2° que, s'il est de principe incontestable que les lois, ordonnances, règlements, arrêtés, circulaires ministérielles, et même les correspondances administratives tombent dans le domaine public et peuvent, à ce titre, être publiés par tous, il n'est pas moins incontestable que celui qui, avec des documents du domaine public, fait une compilation, se crée un privilège, si toutefois cette compilation a exigé dans son exécution le discernement du goût, le choix de la science et le travail de l'esprit: il en est surtout ainsi lorsque la compilation (dans l'espèce, un tarif de douanes) a été précédée d'instruction préliminaires, et accompagnée de notes nombreuses [Rouen, 25 octobre 1842, Didot, Dalloz "propriété littéraire" No 88].
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